Noël : ça vous rappelle quoi ?
La période des fêtes est un moment de pause. Elle plonge les individus dans une réflexion plus profonde. La nostalgie vous envahit …
Mon papa, c’était « The small one » . Il nous a quitté un 24 décembre. Pour laisser sortir ce qui est enfoui, j’aime écrire. C’est ce que je fais à chaque année.
Voici mon billet personnel de Noël..
Ce matin, j’ai pensé à ces moments où la musique était au rendez-vous . Je ne vous parle pas de ces soirées enjolivées de Jingle Bells et autres refrains populaires jouant sur la sono des vieux, mais de ces rencontres chez tante Fernande : mes deux oncles au violon et à l’accordéon ; tante Diane au piano ; et trônant au centre ,avec sa magnifique voix de soprano , ma chère maman.
Les temps changent. Pour beaucoup de baby-boomers la magie d’antan a cessé d’opérer lorsque le Québec s’est mis à voler avec le Lindberg de Charlebois et les hauts cris de la Forestier. J’avais treize ans en 1968.
Jeune adulte, on se met à rêver par procuration des Noël passés .C’est notre tour de créer des souvenirs magiques pour nos petits.
En 1982 , l’homme ayant déjà allumé la Laterna magica , Ingmar Bergman, l’avait bien compris .Son chef-d’œuvre, Fanny et Alexandre ,remplit encore l’imaginaire .Car il n’y avait pas que la merveilleuse fête de Noël regroupant autour d’ Héléna Ekdahl ,fils, femmes, enfants, servantes et acteurs du théâtre familial. Surtout, il y avait la suite , initiatique , plus sombre , de l’exil chez l’homme de Dieu, avant le retour de la joie, permettant à Alexandre qui a dix ans de communier avec l’invisible et de découvrir son essence divine .
Sans grande bienveillance sortait en grande pompe la même année « Le père Noël est une ordure » (1982). Les fans de films de Noël qui ne sont pas pour les enfants avaient bien ri , mais peut-être d’un rire jaune , comme ce couple de Français qui s’échangeront une quinzaine d’années plus tard les plus belles vacheries dans « Un conte de Noël » d’Arnaud Desplechin (2008).
Entretemps , mon papa avait pris sa retraite .Mais il n’avait jamais perdu l’esprit de Noël. Il avait écrit pour ses enfants et petits-enfants « The Smallone » ,relatant les souvenirs d’un enfant de cinq ans, lui-même, qui avait vu le père Noël en 1934 .Mais nous ne savions pas encore que ce serait son plus beau cadeau de Noël .
Papa devait nous quitter un 24 décembre. Plus de dix ans déjà : « Puisse son âme être tissée aux fils de nos vies » , comme l’enseigne le Kaddish. Le 24 décembre est revenu , et en me levant , il y avait un courriel de ma chère cousine m’annonçant que tante Fernande est décédée dans son sommeil.
Même si j’aime toujours Brahms , je ne m’endormirai pas ce soir en écoutant sa célèbre berceuse . Elle me ramènerait directement à mon enfance et à la magie de cette boîte musicale qui a été emportée dans la nuit de l’oubli. J’écouterai plutôt le premier Trio pour piano ,violon et violoncelle que Brahms a composé à vingt ans et révisé plus de quarante ans plus tard : c’est « la belle révélation incertaine d’une pulsion de jeunesse réécrite dans les cicatrices, voire les sanglots. » (Gil Pressnitzer).
Aujourd’hui j’ai 67 ans.
Joyeuses fêtes !
©Luc Martineau 2022