Lorsque je me promène aujourd’hui dans un boisé, je m’imprègne d’abord de cette senteur caractéristique de végétaux en décomposition. Puis, je regarde au-dessus de ma tête et j’essaie de découvrir les cimes des arbres. Je cherche clairières, espacements d’eau et marques de passage au fil de la promenade. Et la lumière arrive-t-elle à traverser les feuillages?

« Black, red and blue », c’est souvent ainsi que je me sens en écoutant du Blues ou du Jazz. Et c’est ce que je cherche à traduire dans cette série.

Enfant, j’étais convaincu de voler,
Ce jour-là de printemps, j’étais en plein vol plané
Un copain m’accoste:
« Que fais-tu ? »
« Moi? Je vole ! »
Il réplique: « C’est impossible, seuls les oiseaux volent! »
Quel choc ce fut pour moi , j’étais si près du soleil
Mais où sont mes dieux, mes guides et protecteurs ? Comme Icare, j’ai chuté, perdant du coup les précieuses ailes qui m’avaient permis, jusque-là, de m’élever sans effort jusqu’aux cieux..

Dire que le Canada est un grand pays, c’est un euphémisme pour cacher cette réalité, plus profonde : qu’il est beau, notre grand pays!

Très humblement, il faut s’incliner devant l’abondance et la magnificence de la production picturale canadienne montrant notre grand pays dans toute sa splendeur. Mais qui peut empêcher un cœur d’aimer?

« Gens du pays, c’est à votre tour de vous laisser parler d’amour ». Comme toutes les chansons de fraternité, ces vers invitants de Gilles Vigneault ont une résonnance universelle. Malgré nos différences et nos histoires, il n’y a qu’un seul pays pour la race humaine – celui du cœur – pour nous, mortels voyageurs de ce vaste monde inachevé. Car il y a toujours un pays à construire et des frontières– qui nous empêchent de dire « je t’aime » –à faire éclater

J’ai voulu rendre hommage, à ma manière, aux peintres automatistes avec la série intitulée « On était en 67 ». Il y a également cette idée de relève de la garde accompagnant la Révolution tranquille et Expo 67. « C’est le début d’un temps nouveau », comme Renée Claude chantait gaiement en 1970. La nouvelle génération allait changer le monde, mais comment et à quel prix, cela restait encore indéfini. Plus de cinquante ans ont passé. C’est à votre tour aujourd’hui de changer le monde!

Le vide sidéral fait peur. Humains ou animaux, nous cherchons des repères qui permettront au corps de s’orienter dans l’espace. Et si on remplaçait les points cardinaux et les éléments naturels par des couleurs?

Le noir et l’eau pour le nord; le blanc et le métal pour le sud. Et pourquoi pas le rouge et le feu pour le centre? Le bleu et le vert : nord-ouest et nord-est … L’orange et le jaune : sud-ouest et sud-est

Qui sommes-nous et où allons-nous?

Disons-le franchement, la question humaine m’interpelle. C’est un grand œuvre que de vivre et mourir comme des êtres libres et dotés de raison.

Pendant tout près de vingt ans, comme juge de la Cour fédérale, j’ai rendu quelques milliers d’ordonnances et de jugements.  Il n’empêche, la justice n’est pas la panacée universelle contre l’injustice du système ou le caractère injuste des lois.

La pensée rationnelle ne se satisfait pas de la réalité; elle a besoin d’oxygène pour retrouver son essence originelle. Nous pouvons respirer, c’est un miracle en soi! Mais l’air c’est également l’âme du monde. Les branchies ne sont pas que des parures permettant aux créatures mythologiques de marcher, nager et voler. Leur absence chez les humains n’est pas fortuite, elle nous est imposée par la peur. C’est le vent de l’oubli qui recompose le monde. Il y a des jours où tout est blanc et noir. Seulement des taches informes et des masses de couleur s’animant comme des frères dans le vide.

Si l’enfant voit des spectres, au cœur de la nuit obscure, il y a heureusement la lumière de l’âme, cette boussole sûre. Les émotions et le ressenti du corps conduisent ma main lorsque je peins un tableau. Elle se fait instrument comme peut l’être la musique.

Je suis demeuré un éternel enfant. Un poète. Un rêveur. Je n’ai pas de fidélités, sinon celle de « l’intuition de l’instant » (Gaston Bachelard). C’est elle qui me guide et m’apporte joie et félicité. Je n’ai pas perdu ma capacité de m’émerveiller. Aujourd’hui, je peux regarder la femme à la lune et toucher aux étoiles!

Qui sommes-nous et où allons-nous?

Il fut un temps immémorial où la terre était un jardin luxuriant peuplé de milliards de végétaux et de milliers de forêts magnifiques. La vie était une excroissance qui n’avait aucune envie de s’arrêter. Peut-être, étions arbres nous-mêmes dans ce bel Éden. Mais que l’on soit aujourd’hui homme, bête ou simple végétal, la nature se nourrit de cette utopie d’exister un temps, puis un autre, et nous couvre d’un linceul fait de noble pourriture qui assure la régénération cellulaire de la vie terrestre.